mercredi 3 août 2011

Ben Ali, le manipulateur

Un président manipulateur

Un an après, en 1988, il se sépare de la fille du colonel Kéfi et s’affiche avec une Tunisoise d’une trentaine d’années qu’il fréquentait dans les années 1980, Leïla Trabelsi. Leur première fille, Nesrine Ben Ali, voit le jour en 1987 alors que ses parents ne sont pas encore mariés. Il épouse Leïla Trabelsi en 1992, l’année de la naissance de sa cinquième fille, Halima Ben Ali. Cette seconde épouse, diplômée de Lettres et coiffeuse de profession, a un caractère beaucoup plus trempé que son mari, qu'elle manipule dans l'ombre. Elle place en outre progressivement ses dix frères et soeurs aux postes clés de l'économie du pays. On porte à l’actif du premier mandat de Ben Ali une politique dite de «solidarité», avec la création d’un fonds spécial destiné à l’origine aux pauvres, le «26-26». On découvrira plus tard que la moitié de ces fonds spéciaux ont été détournés par le clan présidentiel.
Parvenu à la plus haute marche du pouvoir, Ben Ali amadoue les Tunisiens et tisse discrètement sa toile. Il supprime «la présidence à vie», instituée par Bourguiba et limite à trois le nombre de mandats présidentiels. En 1988, il fait même adopter une nouvelle loi sur les partis. Il poursuit le développement d’un système de sécurité sociale et les réformes sur l’éducation et l’émancipation des femmes initiées par son prédécesseur. Ben Ali, c'est l'autocratie de Bourguiba moins son charisme et sa culture.
Sur la forme, le nouveau président Ben Ali entame une série de réformes politiques et économiques: libéralisation et ouverture des marchés, libération des prisonniers politiques, instauration du multipartisme, scolarisation obligatoire jusqu'à 16 ans. Le Parti Socialiste Destourien (PSD) qu'il dirige est rebaptisé Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD). Ce parti compte plus de 2 millions d’adhérents sur une population de 10 millions.
Sur le fond, les méthodes de sa présidence restent les mêmes que celles employées dans les services de renseignement militaire. Selon Ahmed Bennour, ancien secrétaire d'Etat à la Défense puis à l'Intérieur, le budget de la police avait presque quadruplé depuis 1987. Il existait à peine deux cents lignes téléphoniques sur écoute du temps de Bourguiba; en 1989 il y en avait plus de trois mille.
En 1991, Ben Ali dissout Ennahdha (Renaissance), le grand parti islamiste tunisien, dont il fait emprisonner plus de 20.000 membres. Il interdit le port du voile dans les lieux publics et muselle la presse ainsi que les partis d'opposition. La révision de la Constitution et le Code électoral ne sont que des mesures de démocratisation de façade. En réalité, la Tunisie toute entière est progressivement soumise à une surveillance généralisée et à une propagande massive en faveur de Ben Ali.
À la tête du parti majoritaire le RCD, il est réélu président de la République en 1994, en 1999 et en 2004, recueillant entre 94% et 99% des voix. Son régime est soutenu par les Etats-Unis, Israël, la France et l'Italie, notamment parce qu'il abrite discrètement une base arrière de la CIA et de l'Otan servant aux opérations anti-terroristes régionales et au contrôle de la Méditerranée.

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